
Philippe Descola, né le 19 juin 1949 à Paris, est un anthropologue français. Fils de l'écrivain et historien hispanisant Jean Descola, ses recherches de terrain en Amazonie équatorienne, auprès des Jivaros Achuar, ont fait de lui une des grandes figures américanistes de l'anthropologie. À partir de la critique du dualisme nature/culture, il entreprend une analyse comparative des modes de socialisation de la nature et des schèmes intégrateurs de la pratique : identification, relation et figuration.
Philippe Descola est un ancien élève de philosophie de l'École normale supérieure de Saint-Cloud. Dans le cadre d'une thèse de doctorat d’ethnologie entreprise à l’École pratique des hautes études (VIe section), sous la direction de Claude Lévi-Strauss, il est chargé de mission au CNRS et effectue son travail de terrain chez les Jivaros Achuar en Équateur entre 1976 et 1978, en compagnie d'Anne-Christine Taylor, dont il est l'époux.
En 1987, il devient maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), puis directeur d'études en 1989. Il coordonne au sein de l'EHESS le groupe de recherche sur les « raisons de la pratique : invariants, universaux, diversité ».
En juin 2000, il obtient la chaire d'« Anthropologie de la nature » au Collège de France, succédant à Françoise Héritier. Il occupe cette chaire jusqu'en 2019 (leçon de clôture donnée le 27 mars 2019).
Il est nommé, en 2001, directeur du laboratoire d'anthropologie sociale (LAS) fondé en 1960 par Claude Lévi-Strauss, qu'il dirige jusqu'en 2013.
En 2014, il est nommé membre du Conseil stratégique de la recherche1.
Il fait partie du comité de rédaction de la revue Tracés et il collabore au Journal de la société des américanistes.
De septembre 1976 à septembre 1979, Philippe Descola vit au contact quasi continu des Jivaro Achuar, dans le haut bassin équatorien du Rio Pastaza, à la frontière entre l'Équateur et le Pérou. De cette expérience ethnographique, il tire la matière de sa thèse intitulée, La Nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achuar, soutenue en 1983 et publiée en 1986.
S'intégrant dans les débats anthropologiques de la fin des années 1970 entre symbolisme et matérialisme, cette thèse analyse successivement la manière dont les Achuar identifient les êtres de la nature et les types de relations qu'ils entretiennent avec eux.
Dans une première partie, Philippe Descola montre comment la « nature », pour les Achuar, s'émancipe du seul ordre taxinomique, en se voyant attribuer des caractéristiques « humaines » : « Les hommes et la plupart des plantes, des animaux et des météores sont des personnes (aents) dotées d'une âme (wakan) et d'une vie autonome » (1986 : 120). Par la capacité qu'ont les âmes d'échanger dans des situations particulières, les humains et non-humains forment un continuum. Les mythes Achuar disent entre autres choses comment à l'origine tous les êtres avaient une apparence humaine, celle des « personnes complètes » (penke aents). Perdant celle-ci dans les circonstances du mythe, plantes et animaux n'en gardent pas moins, pour les Achuar, une sociabilité ordonnée selon les mêmes règles que celles qui régissent leur propre vie sociale. « L'anthropomorphisation des plantes et des animaux [est] tout autant la manifestation d'une pensée mythique qu'un code métaphorique servant à traduire une forme de « savoir populaire » » (1986 : 125).
Dans une seconde partie, adoptant une perspective strictement méthodologique, Philippe Descola distingue une série de mondes qui encadrent les pratiques que les Achuar exercent envers les êtres avec lesquels ils sont en contact : la maison, le jardin, la forêt et la rivière. Unité minimale de la société Achuar, la maison est le « modèle d'articulation des coordonnées du monde et segment terminal d'un continuum nature/culture, la matrice spatiale de plusieurs systèmes de conjonction et disjonction, le point d'ancrage de la sociabilité inter- et intra-maisonnée » (1986 : 168). Si les hommes réalisent l'essartage, le jardin est cependant un espace par destination quasi exclusivement féminin. Les femmes assument l'essentiel de l'activité horticole mêlant des actes techniques de plantation, de désherbage et de récolte, avec des actes magiques, au premier rang desquels viennent les chants incantatoires (anent) destinés à l'esprit tutélaire des jardins, Nunkui, à l'âme des plantes (wakan), aux charmes (nantar) et aux auxiliaire de Nunkui. Le sang joue un rôle prépondérant dans ces pratiques symboliques et établit avec Nunkui et des plantes telles que le manioc une relation de consanguinité.
Ce travail de terrain offre ainsi l'essentiel de la matière ethnographique qui permettra à Philippe Descola de proposer, en s'inspirant de l'anthropologie symétrique de Bruno Latour un schème particulier d'identification et de relation aux non-humains, en redéfinissant le concept délaissé d'animisme.